Le ministre de l’Éducation nationale fait souvent appel à la « Science » pour justifier les décisions qu’il prend. Il a ainsi crée un conseil scientifique, il fait travailler des scientifiques sur les évaluations qu’il impose aux élèves de CP, CE1, 6ème et 2nde. Bientôt, il imposera des méthodes pédagogiques au nom d’une certaine vérité scientifique.
Il est temps de se demander si la science dit bien la vérité ?
Il faut déjà remarquer que les scientifiques qui servent de caution au ministre ne sont pas choisis au hasard. On trouve bien peu, parmi ses références, de spécialistes de sciences humaines. Pourtant, il nous semble qu’on pourrait avantageusement utiliser ensemble les sciences humaines et, par exemple, les neurosciences.
Depuis un demi-siècle, il est communément admis que la science se développe au sein de paradigmes¹, c’est-à-dire de valeurs, de normes, de pratiques qui permettent de définir ce qui est juste ou non. Ces paradigmes entrent régulièrement en crise et se succèdent. Prenons un exemple : il ne sert à rien de se demander si la physique newtonienne est juste ou non. Elle est tout à fait capable de décrire la chute des pommes ; elle rencontrera plus de difficultés à décrire les interactions entre les particules des noyaux des atomes. Inversement, la physique quantique est assez peu efficace pour étudier la chute des pommes.
Par ailleurs, l’épistémologie du vingtième siècle montre qu’on peut considérer que tous les savoirs sont partiels et partiaux, qu’il n’y a pas d’êtres omniscients, et surtout que les scientifiques ne sont pas des dieux, mais des individus sociaux dont la sociabilisation influe sur leur travail et sur les savoirs qu’ils produisent.
Dès lors, il ne s’agit bien sûr pas de conclure que tout se vaut ou que les scientifiques ne disent rien d’intéressant et qu’il n’y a pas de différence entre sciences et croyances, mais de prendre en compte que l’ensemble des productions savantes sont traversées par des rapports de pouvoir et qu’elles contribuent à les renforcer ou, parfois, à les déplacer.
Ne nous trompons pas, l’argumentation teintée de scientisme du ministre n’abusera pas encore bien longtemps la communauté éducative. Il devient de plus en plus visible que les cautions scientifiques qu’il met en avant sont, avant tout, là pour servir son idéologie et, par la même, justifier sa politique.
D’ailleurs, ne pourrait-on pas démontrer, scientifiquement, qu’elle est réactionnaire ?
¹Thomas Kuhn, La structure des révolutions scientifiques