“Neuropédagogie – Le cerveau au centre de l’école”[1] est un petit livre, très accessible écrit par Christian Laval sociologue et Michel Blay, philosophe et historien.
Regard sur la 1ère partie
Cet ouvrage n’est pas du tout un pamphlet contre les neurosciences, dont il ne nie absolument pas l’intérêt, mais contre la façon dont le ministre de l’Éducation nationale les instrumentalise avec l’aide de son conseil scientifique, Stanislas Dehaene en tête.
Avec les neurosciences, on identifie chacun à son cerveau ce qui permet d’imposer le fait que la connaissance du cerveau peut résoudre tous les problèmes éducatifs et d’autres aussi car on a la neuroéconomie, le neuromarketing…
Si on pense qu’agir sur le cerveau va résoudre l’échec scolaire, alors on perd tous les leviers relevant de la volonté politique, on assiste à une biologisation des apprentissages scolaires.
En effet, si l’étude du cerveau humain se présente comme la seule et VRAIE science de l’éducation, exit la sociologie (et ses inégalités culpabilisantes), la psychologie (qui n’aurait pas sa place à l’école), la pédagogie (qui n’est pas une science mais un art ?)…
Le cerveau étant le lieu anatomique de l’apprentissage et de la connaissance, la neuropédagogie peut avoir la prétention de se définir comme la science unique du fondement de l’éducation. Alors, les déterminations sociales et culturelles des parcours scolaires deviennent négligeables si on adopte les bonnes méthodes d’apprentissage conformes au fonctionnement du cerveau. Nous avons tous un cerveau, si on sait comment le développer efficacement, alors on peut enfin atteindre une vraie égalité des chances : c’est pratique et magique !
Nous avons là une émergence, très forte dans les sphères politiques de droite, du thème de « l’échec de l’école » considéré ainsi : ce n’est pas une société inégalitaire qui provoque l’inégalité scolaire, mais l’école elle-même par ses « mauvaises méthodes« …
Ce serait donc au niveau du neurone que se joue l’efficacité du système scolaire, ce qui appelle des mesures personnalisées et non plus générales. La responsabilité redescend de la société vers le local, la classe, l’individu et ultimement son cerveau !
Christian Laval n’hésite pas à lier le tournant « neuronal » au tournant néolibéral ! Il ne s’agit plus de transformer les structures mais d’agir sur les individus… et leur cerveau.
[1] Michel Blay et Christian Laval, Neuropédagogie – Le cerveau au centre de l’école, éditions Tschann & Cie, 2019
Vous pouvez télécharger gratuitement le dernier numéro de Questions d’Éducation « Les Neurosciences, une (r)évolution pour l’éducation », ici.