Une deuxième partie sur l’ouvrage “Neuropédagogie – Le cerveau au centre de l’école”[1] écrite par Michel Blay (co-auteur avec par Christian Laval).
Regard sur la 2ème partie
Michel Blay conçoit le cerveau comme ayant un fonctionnement reposant sur des principes computationnels qui seraient sous-jacents à l’activité neuronale. En miroir, nous avons l’intelligence artificielle qui s’inspire des réseaux de neurones, mais dans ce cas les neurones et les synapses sont des éléments artificiels.
Pourtant, l’ordinateur ne sait pas bluffer au poker ni rêver, nous ne sommes donc pas assimilables à des superordinateurs.
Mais pourquoi se définit-on autant par rapport à l’ordinateur ? Pourquoi entend-t-on que nos cerveaux fonctionnent à partir d’algorithmes ? En avons-nous des preuves ? des indices au moins ? En fait non, même si des neuroscientifiques parlent d’algorithmes de l’apprentissage à activer, entraîner et recycler, même si Stanislas Dehaene dit que “la force des sciences cognitives c’est d’être capable de déterminer l’organisation des algorithmes du cerveau”[2], on ne voit concrètement via l’imagerie médicale, que des zones qui se colorent parce qu’elles s’activent. Si algorithmes il y a, nous n’avons pas (encore) trouvé le moyen d’accéder à leur codage. Nous avons donc affaire ici à une conception, une métaphore, au mieux une hypothèse du fonctionnement du cerveau qui s’apparenterait à celui d’un ordinateur et qui serait confirmée par… l’imagerie médicale qui montre où quelque chose semble se passer, mais absolument pas quoi !
Cette conception devient inquiétante quand, érigée au rang de vérité scientifique non discutable, elle prétend venir à la rescousse d’une école en déclin (à cause de la sociologie, de le psychologie, des pédagos…) pour rendre les apprentissages plus efficaces. C’est cela directement qui explique en grande partie l’avalanche de protocoles (Agir pour l’école pour la lecture, ATOLE pour l’attention…) et de logiciels numériques (Grapholearn pour le décodage, ceux à venir du laboratoire de Monsieur Dehaene sur les fondamentaux…) censés entraîner efficacement les cerveaux de nos élèves, voire de les “reprogrammer” en s’adaptant finement à leur rythme et à leurs difficultés éventuelles. Ces outils ne sont pas forcément mauvais en eux-mêmes (il faut quand même les regarder de près) mais ce qui sous-tend leur développement et la façon d’imposer leur utilisation, qui plus est strictement et à l’exclusion de tout autre support, pose des questions extrêmement sérieuses qui nous concernent tous.
Nos enfants apprenants ne sont pas que des cerveaux et leurs cerveaux ne sont pas des ordinateurs !
[1] Michel Blay et Christian Laval, Neuropédagogie – Le cerveau au centre de l’école, éditions Tschann & Cie, 2019
[2] Interview : Blanquer et Dehaene : «Notre approche de l’éducation nous permet de dépasser les faux clivages», Figaro du 09/01/2018
Vous pouvez télécharger le dernier numéro de Questions d’Éducation « Les Neurosciences, une (r)évolution pour l’éducation », ici.