L’erreur n’est plus une horreur

Indissociable de l’acte d’apprentissage, l’erreur fait partie du quotidien des enseignants et des élèves. Elle demeure mal perçue et sanctionnée. Pour Jean-Michel Zakhartchouk, auteur du livre « Enseigner avec les erreurs des élèves », elle peut être un véritable facteur de progrès.

 QDE : Votre livre donne la parole à de nombreux enseignants et praticiens. L’erreur a-t-elle perdu pour eux son caractère de gravité ?

JMZ : C’est vrai qu’il y a aujourd’hui une dédramatisation de l’erreur. L’idée de l’erreur comme horreur est combattue mais l’idée qu’on peut travailler sur l’erreur n’a pas beaucoup progressé massivement.

Du côté des enseignants, dire que « faire une erreur, ça n’est pas grave », est une hypocrisie parce que ça a son importance. Quant aux élèves, beaucoup ne parviennent pas à se servir d’un brouillon autrement que pour préparer un travail à mettre au propre ensuite.

Les élèves n’attachent pas trop d’importance à la correction et le fait de retravailler sur les devoirs, sur son travail en corrigeant ses erreurs pour l’améliorer demeure encore minoritaire.

QDE : Pour les élèves, refaire un travail déjà fait est souvent rébarbatif. Beaucoup semblent vite s’épuiser dans ce genre d’exercice.

JMZ : La persévérance est quand même une vertu majeure du travail intellectuel. On peut développer le travail sur l’erreur si l’élève se rend compte que ça paie. D’où l’intérêt d’évaluer autrement pour justement évaluer les progrès de l’élève vis-à-vis de l’erreur.

Ce sont des habitudes à prendre et les enseignants aussi doivent être persévérants. Certaines activités comme le sport, et plus particulièrement le sport de compétition, montrent qu’on progresse en faisant régulièrement l’analyse de ce qui n’a pas fonctionné. Je cite souvent cet exemple aux élèves.

QDE : Évaluer en passant par un travail sur l’erreur ne remet-il pas en question la note au profit de l’évaluation par compétences ?

JMZ : Le principal handicap de la note, ce n’est pas la note en soi mais la moyenne. On pourrait noter certains devoirs sur 25, d’autres sur 17, mais ensuite, il faudra établir une moyenne et sur quels critères l’établir ?

C’est la représentation qu’on a des notes à travers les moyennes qui pose problème. Pour reprendre l’exemple du sport, dans certaines disciplines, le sportif a droit à trois essais pour se qualifier et passer à l’étape suivante. Seul l’essai réussi compte.

Imaginons un premier devoir à 10, puis un devoir refait à 13. Faut-il prendre la seconde note ou la moyenne des deux ?

QDE : Vous distinguez plusieurs types d’erreurs qu’on pourrait classer en deux catégories : les fautes d’inattention et celles qui relèvent vraiment d’une non compréhension. Cette répartition binaire vous semble-t-elle juste ?

JMZ : On parle de fautes d’inattention mais il s’agit d’une attention portée sur autre chose. Les élèves portent parfois leur attention sur ce qui n’est pas pertinent.

On ne peut pas bien lire un texte pour l’orthographe si on s’intéresse au sens. On laisse alors passer des erreurs parce qu’on ne lit pas ce qui est écrit mais ce qu’on a envie de lire. Et une fois que cette erreur est remarquée, elle saute aux yeux. Travailler sur l’inattention, c’est donc travailler ce sur quoi doit porter l’attention, d’où l’intérêt de l’interdisciplinarité. Les regards d’attention ne sont pas alors portés sur les mêmes objets comme un tableau qui serait lu par un historien, et ensuite avec l’oeil des arts plastiques.

Pour la seconde catégorie, les fautes de non compréhension, il faut rajouter le manque de travail préalable. Il manque parfois des prérequis aux élèves pour bien comprendre une leçon. Mais il faut aussi parler d’une troisième catégorie d’erreurs, celles qui proviennent de réflexes qui ne sont pas adaptés à la situation, ce qui a été bien étudié par les sciences cognitives.

Je pense à un élève qui conjugue le verbe découvrir en disant « j’ai découvris » au lieu de « j’ai découvert » parce qu’il s’est fondé sur la conjugaison d’autres verbes. Ces erreurs peuvent être intéressantes.

QDE : L’erreur serait donc louable, souhaitable ?

JMZ : Il ne faudrait pas tomber dans cette tendance inverse de dire que « l’erreur c’est bien ».

Parfois oui, ça l’est, c’est une étape nécessaire mais à terme, le but recherché est de supprimer les erreurs.

Faisons aussi la différence entre un travail qui en est au début, où il peut être nécessaire que les élèves se trompent, et la fin d’une séquence où là, l’erreur est beaucoup moins souhaitable.

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