Pour Benjamin Moignard, docteur en sciences de l’éducation, qui a notamment travaillé avec le pédagogue Éric Debarbieux, spécialiste de la violence scolaire, la question du climat scolaire se révèle être un point crucial des nouvelles problématiques éducatives (NPE). Voici une synthèse de sa conférence.
Il convient au départ d’interroger la désignation de ce qui fait problème dans notre système scolaire car cela montre les enjeux qui font la politique de l’école. Ces “problèmes” se développent dans les systèmes éducatifs massifiés et sont présentés comme si l’école ne “savait plus faire”. En France l’attachement à l’école est très fort, on lui demande de tout résoudre, les NPE sont d’autant plus, chez nous, porteuses d’enjeux.
Imaginaire collectif interrogé
En terme de définition, les NPE sont des problématiques qui perturbent ou questionnent le fonctionnement de l’école et dérangent dans notre imaginaire collectif le fonctionnement ordinaire de l’école. Elles interrogent l’articulation des missions traditionnelles de l’école (l’instruction) avec des formes éducatives plus larges portées par notre société via des associations et organisations diverses. Elles sont perçues comme étant de nouveaux phénomènes qui n’existaient pas auparavant, renvoyant inévitablement à un “c’était mieux avant”. On peut citer par exemple : l’échec scolaire, la violence à l’école, le décrochage scolaire, les discriminations sexuées et genrées, les discriminations ethnicisées et racialisées, la laïcité, la radicalisation, le harcèlement et le cyberharcèlement… Ces objets émergent non parce qu’ils n’existaient pas avant mais parce qu’ils préoccupent : il n’y a pas forcément plus de problèmes ou des problèmes nouveaux mais une volonté de s’emparer de problèmes qu’on ne voyait pas ou qu’on ne cherchait pas à gérer avant.
La NPE apparaît quand elle se pose dans le débat public, par exemple pour le harcèlement on est passé de “ce sont des affaires qui doivent se gérer entre enfants” de l’époque du film culte “La guerre des boutons” au déploiement actuel d’un programme (Phare) dans chaque établissement et le projet d’une loi dédiée au harcèlement scolaire.
Classiquement, les NPE provoquent des actions avec une forte tentation du recours au programme “magique”. On a systématiquement un déni de la complexité qui aboutit à un empilement de dispositifs plus ou moins efficaces et pertinents qui seront progressivement abandonnés au profit de nouveaux…
Il serait pourtant bien plus utile d’agir par l’amélioration du climat scolaire plutôt que par des interventions ciblées sur quelques-uns. En effet, le climat scolaire est déterminant pour la réussite scolaire des élèves des milieux populaires et bénéfique pour tous.
Appui sur la recherche
Alors qu’on est dans une société qui insiste sur l’appui sur la recherche pour justifier ses actions (quand elle va dans le sens de ce qui est souhaité par le politique), on écarte le fait que les méta-analyses montrent qu’un programme éducatif ne peut être efficace que dans un bon climat scolaire.
Le climat scolaire reflète le jugement qu’ont les parents, les éducateurs et les élèves de leur expérience de la vie et du travail au sein de l’école. Il ne se résume pas au bien-être même si celui-ci fait partie du climat scolaire dont les sept piliers sont : la justice scolaire, les pédagogies et la coopération, la prévention des violences et du harcèlement, la coéducation, les pratiques partenariales, la qualité de vie à l’école et la stratégie d’équipe.
Parmi ceux-ci, le pilier le plus incident sur le climat scolaire est l’équipe ; que ce soit en termes de stabilité mais aussi de modalité de travail collectif, il y a une convergence de toutes les études sur le sujet, or ce n’est pas ce qui est perçu comme premier par la plupart de nos collègues. En effet, la dimension collective est largement absente de notre culture française de l’école, donc elle est négligée, insuffisamment perçue comme étant un enjeu majeur. La deuxième variable par ordre d’importance est mieux repérée, il s’agit de la justice scolaire, ensuite viennent les pédagogies et la coopération en 3ème place.
Meilleure perception de la direction
Une étude (Debarbieux & Moignard, 2018) montre que la perception du climat scolaire selon 12 critères est meilleure chez les personnels de direction et moins bonne chez les enseignants avec les CPE se situant très exactement entre les deux. La première hypothèse a été que cela était dû au face à face avec les élèves, or en étudiant les données il apparaît que ce sont les relations avec les collègues et la hiérarchie qui dégradent leur perception du climat scolaire. C’est entre enseignants qu’il y a le plus de conflits signalés.
Nous voilà donc avec la désignation claire et sans ambiguïté des leviers sur lesquels agir pour prendre en compte les nouvelles problématiques éducatives actuelles et à venir, de façon efficace et systémique. Reste à trouver comment agir concrètement dans le sens d’un meilleur climat scolaire en s’attachant tout particulièrement à tout ce qui peut améliorer le travail en équipe.
Vous pouvez retrouver sur notre chaine YouTube l’intégralité de l’intervention de Benjamin Moignard.