M6 : une téléréalité « au cœur du collège ». Sérieusement ?

Dimanche dernier étaient diffusés les 3 premiers épisodes d’une nouvelle série documentaire se déroulant au sein d’un collège. Si les témoignages peuvent être poignants et les thèmes abordés, comme celui du harcèlement, importants, il convient de garder un esprit très critique sur ce genre de contenu entièrement soumis aux attentes du monde du spectacle et totalement dépendant de la ligne éditoriale de la chaîne.

De quoi s’agit-il ? Une télé réalité sous couvert de documentaire.

Le collège Jean Vilar, à Châlons-sur-Saône a accueilli pendant un an, une équipe de télévision. Le documentaire est produit par ITV Studios France (société qui produit aussi The Voice). 55 caméras ont été installées dans tout le collège, des micros posés sur des personnels et des élèves. La quantité de « rush » est donc phénoménale. Il en ressort 6 épisodes de 52 minutes diffusés en « prime time » sur M6. Les élèves de troisième ont été particulièrement suivis. Voix off, séquences « confessionnelles » se rajoutent aux images soigneusement sélectionnées. Il s’agit donc bien d’une véritable téléréalité tournée dans un collège ! D’ailleurs, Matthieu Grelier, le directeur des programmes d’ITV Studios, déclarait lors d’une conférence de presse en juin avoir pour objectif de « montrer la réalité de ce qui se passe quand vous déposez vos enfants le matin au collège ». 

Une réalité, mais quelle réalité ?

S’il ne faut pas douter de la bonne intention des acteurs locaux qui ont accepté de se livrer, si les témoignages de certains élèves sont particulièrement touchants, cela reste avant tout un spectacle télévisuel. Les choix éditoriaux sont orientés : harcèlements, troubles anxieux, violences, moqueries, vols, rackets sont mis en avant (y compris dans le dossier de presse) au détriment de tous les autres. Or les problèmes actuels de l’Éducation nationale sont pléthores : recrutement, salaires, sens du métier, classes surchargées, orientations politiques passéistes et démagogiques, résultats scolaires en berne, bâti scolaire dégradé, mal chauffé ou mal isolé, … La liste est longue mais révèle bien le parti pris par la production. Et c’est presque normal puisque, encore une fois, il s’agit d’un divertissement où la mise en scène et le montage ont toute leur importance. Il faut donc garder à l’esprit que les situations sélectionnées ne sont pas représentatives de l’ensemble de ce que nous vivons au quotidien. Par ailleurs, n’oublions pas que, malgré toute la sincérité des intervenants, adultes ou enfants, l’observation modifie les comportements : ne soyons pas dupes. On peut également se dire qu’une certaine autocensure, qui peut tout à fait se justifier, a eu lieu concernant des événements volontairement écartés du montage final.

L’École doit-elle être le lieu d’une téléréalité ? Les spectateurs ont-ils suffisamment de recul et un esprit assez critique sur ce qu’ils visionnent ? Le risque de la généralisation des situations particulières sélectionnées au sein du grand public n’est il pas grand ? On peut éprouver beaucoup d’empathie pour les cas particuliers souvent émouvants mais n’oublions pas qu’ils sont le fruit d’une sélection au service d’un spectacle avant tout mercantile.

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