Visite du Louvre sous un angle féministe

Feminists in the City revisite la culture et l’histoire de l’art sous le prisme du féminisme pour redonner de la visibilité aux femmes et pour sensibiliser aux inégalités de genre.

Ce projet existe depuis 2008 et compte plus de 3000 visites guidées que ce soit dans les rues des grandes métropoles françaises via le Street Art, dans les musées, dans des tables rondes ou encore dans des masters classes.

J’ai testé la visite du Louvre. Notre guide en présente les modalités : deux heures pour douze œuvres d’art.

Attention, le top départ est donné, la visite se fait sur les chapeaux de roues.

FEMMES DE….

Le secteur antiquité permet un focus sur le statut des femmes mis en exergue par les cartels où la dénomination « femme de.. » illustre la place de celles-ci dans leurs époques.

Cette sculpture décrite comme celle d’une femme d’importance voit son identité réduite à être la femme de l’empereur Trajan.

La Joconde subit le même traitement des siècles plus tard avec comme présentation : « la Florentine Lisa Gherardini épouse de Francesco del Giocondo. Alors que, qui connait son époux ?

L’IDÉAL FÉMININ

La Déploration du Christ de Solario – période Moyen-Age-

Marie, icône de la chrétienté, vierge, dévouée à son fils est l’exemple ultime de l’idéal féminin. Le manteau bleu symbolise la pureté et sa couleur issue du pigment lapis-lazuli est réservée aux personnages sacrés.

L’essentialité de la virginité est exposée et la femme est encensée dans son rôle de mère.

Avec une posture discrète, assise c’est-à-dire dans la passivité, mains croisées avec un léger voile couvrant ses cheveux, signe de soumission, le sourire aux lèvres fermées dans la plénitude, la Joconde est l’image d’une bourgeoise épanouie dans l’obéissance idéale féminine de la renaissance italienne.

Pour Michele Perrot – historienne, militante féministe – la figure mariale montre un idéal de femme pieuse, effacée, dévouée et ayant le sens du sacrifice.

LA MASCULINITÉ TOXIQUE

Devant le portrait d’Alof de Wignacourt de Caravage (17ème siècle), nous discutons des spécificités de la masculinité à travers les siècles.

Dans ce tableau, les traits masculins sont mis en avant avec l’armure encensant la puissance musculaire et le gourdin symbole phallique. Dans l’antiquité, l’homme est représenté par des sculptures avec une morphologie parfaite, un corps musclé imberbe et un pénis minimaliste car symbole de pulsions animales.

A travers cette œuvre, notre guide aborde la masculinité toxique qui consiste à attribuer certaines caractéristiques aux hommes. Cette notion héritée de celle de la domination masculine de Pierre Bourdieu ou de celle de l’hégémonie masculine de Reawyn Connell, caractérise un modèle spécifique de la virilité, orienté vers la domination et le contrôle et valorisant la violence pour s’imposer face aux femmes.

Ce concept est dommageable aussi envers les hommes, les décrivant sous des aspects régressifs – violents, homophobes et misogynes -. La charge mentale est conséquente pour eux avec la peur d’avoir l’air faible s’ils ne rentrent pas dans le moule.

VISION DE LA FEMME DANS LES ŒUVRES D’ART

Sa représentation est liée à son statut : vierge, épouse de, veuve de.

Tout au long de la visite, des femmes nues se livrent aux regards des visiteurs. Ce sont essentiellement des allégories ou des tableaux orientalistes.

Dans le tableau de Delacroix, La liberté guidant le peuple (1830), une femme seins nus est une allégorie de la liberté. Les traits sont empruntés à la statuaire grecque mais le teint halé et les poils sous les aisselles la font devenir une femme réelle provoquant un scandale à l’époque.

L’orientalisme au 19ème siècle met en scène des femmes dévêtues sans esclandre car il s’agit le plus souvent d’esclaves sexuelles (harem) et des femmes d’une culture dite sous développée à l’époque.

Une odalisque dite la Grande Odalisque (1814) provoque la critique non pas par son aspect dénudé mais par une erreur anatomique avec une vertèbre de trop.

LE LOUVRE THÉÂTRE D’INTERVENTIONS FÉMINISTES

En 2012, les Femen organisent un happening devant la Vénus de Milo en solidarité avec une tunisienne violée par des policiers.

En 2017, l’artiste Déborah De Robertis pose les cuisses écartées devant la Joconde en scandant : « Mona Lisa, ma chatte, mon copyright » avec comme questionnement : Ai-je besoin d’être nue pour être acceptée en tant qu’artiste dans un musée?

Il faut dire qu’avec seulement 7% des œuvres d’art imputés à des artistes féminines dont une majorité laissée dans les archives, le Louvre ne connait pas la parité.

Feminists in the City permet de revisiter des siècles d’art et d’analyser la place des femmes dans l’histoire. La vue sous l’angle féministe peut apparaître comme surfant sur une tendance mais au fil des œuvres d’art, une prise de conscience émerge face à des positionnements culturels ancrés en nous comme des vérités.

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