Le collège unique en question

A l’occasion de la journée mondiale des enseignants, le ministre de l’Éducation nationale a donné huit semaines à une commission d’experts pour lister les mesures destinées à relever le niveau des élèves en français et en mathématiques. Entre autres, il remet en question les cycles au collège, invoque les classes de niveau, hiérarchise les disciplines, évoque un passage en 6ème sous conditions. L’UNSA Éducation dénonce la vision rétrograde du ministre mais reste force de proposition pour infléchir ce projet.

Relever le niveau d’éducation de chacun est un but partagé par la totalité de la communauté éducative. Faire en sorte que l’éducation soit émancipatrice et un vecteur de mobilité sociale au lieu de participer à la reproduction des inégalités également. Cela ne veut pas dire pour autant que l’UNSA Éducation serait en accord avec des mesures rétrogrades et contre productives.

Le collège unique se heurte à des problèmes récurrents. Il ne faudrait pas faire comme si la massification (bienvenue) de l’enseignement, la réduction des moyens dans les collèges, la formation continue insuffisante des personnels, l’augmentation des inégalités et de la ségrégation dans la société, n’y étaient pour rien…

Comme le dit le ministre, les études, rapports et autres notes sur ces sujets sont nombreux. Nous pouvons en citer deux comme exemples significatifs : la conférence du consensus du CNESCO de mars 2017 qui traite de différenciation pédagogique et la note de France Stratégie, publiée il y a quelques jours, qui détaille les politiques publiques en faveur de la mobilité sociale des jeunes.

Pour l’UNSA Éducation, la somme des intérêts particuliers ne fait pas l’intérêt général.

Les collèges français sont déjà largement ségrégés.

Ainsi les écarts sont très importants entre secteur privé sous contrat et secteur public mais également avec l’éducation prioritaire. Réhabiliter les classes de niveaux reviendrait donc à rajouter de la ségrégation au sein des EPLE. Au contraire, la mixité sociale et scolaire est un gage d’apaisement du climat scolaire immédiat. A moyen et long terme, elle contribue à la réduction du décrochage scolaire, l’amélioration de l’accès au supérieur et l’augmentation du niveau de diplôme atteint par les publics défavorisés ou en plus grande difficulté.

Quid de l’entraide entre élèves, des travaux de groupe ?

Quand l’autre élève et fait confiance, quand l’autre contribue à émanciper et à rendre heureux, l’autre n’est plus un enfer, il devient source de confiance” (Gabriel Attal). Nous ne pouvons qu’adhérer là aussi à ce message et nous invitons donc le ministre a ne pas oublier ses propres paroles. La co-éducation bénéficie à tous, y compris aux élèves les plus à l’aise scolairement. Dans ce but, l’hétérogénéité des groupes est essentielle. L’oublier serait une erreur lourde de conséquences.

Des risques majeurs : orientation précoce, stigmatisation, renforcement des inégalités.

Quand les apprentissages sont modulaires, cela relève de la différenciation pédagogique et donc de l’organisation choisie par chaque enseignant·e. Certain·es font en sorte que chaque élève ait l’opportunité de devenir tuteur dans le cadre d’une pédagogie coopérative. Il devrait être également possible d’aboutir au même niveau de savoir et de connaissances malgré des rythmes d’apprentissages différents. C’est l’essence même de la notion de cycle d’apprentissage. Si ce n’est pas le cas, cela reviendrait à orienter d’office, et donc à stigmatiser, les plus faibles scolairement, une grande partie des élèves à besoins particuliers et des handicapés. On peut par ailleurs constater ce que cela donne comme résultats en REP+. Si le mythe des groupes homogènes performants est relativement vrai pour les plus à l’aise scolairement, il est totalement faux dans le cas des élèves les plus en difficulté.

La liberté pédagogique des enseignants limitée

Il est primordial de ne pas brider les ressources à un manuel unique, fusse-t-il très bien fait. « Les enseignants n’ont pas des manuels différents ni d’absence de manuels par lubie, mais pour s’adapter au mieux aux élèves »1 et à leur propre façon d’enseigner. Chaque enseignant·e est un·e ingénieur pédagogique, libre de construire des démarches d’apprentissage variées. Les enfermer dans un manuel unique les cantonnerait à un rôle de technicien, limitant leur créativité et leur savoir-faire pédagogique.

Et les moyens dans tout ça ?

Il est assez surprenant de voir le ministre citer comme exemple la nouvelle heure obligatoire de 6ème alors que celle-ci est en partie dépendante de l’acceptation du PACTE, facultatif pour les enseignants. De même, si le dédoublement des petites classes en éducation prioritaire donne des résultats, c’est bien à cause des moyens supplémentaires octroyés et des dispositifs pédagogiques qu’ils permettent. Enfin, pour qu’un redoublement ou qu’un temps supplémentaire soit accordé à certains, pour mettre en place des dispositifs de remédiation ou pour viser l’excellence, cela demande d’investir, d’augmenter les moyens et de former largement les personnels.

Les conclusions de la mission lancée par Gabriel Attal sont attendues début décembre. Il n’y aura pas de miracle à espérer, de telles démarches ont été testées dans un passé tout récent et sous la même ligne politique présidentielle : Grenelle de l’éducation, Assises de l’école maternelle, Assisses de la Formation continue, États généraux du numérique éducatif, … Les syndicats de l’UNSA Éducation seront auditionnés dans ce cadre et défendront avec détermination leurs convictions et leurs valeurs pour engager l’École dans les défis de son siècle. Pas pour une école fantasmée d’un passé révolu !

1 Elisabeth Allain-Moreno, Secrétaire générale du SE-UNSA)

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