Le plan mentorat du président souffre de manques « qualitatifs »

Une étude de l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP) a fait un point d’étape concernant le plan  « 1 jeune 1 mentor », dispositif d’aide aux jeunes en fragilité scolaire et sociale promu par le gouvernement Macron en 2021. Il s’avère que les publics lycéens et étudiants sont « les plus mentorés » alors que les mentors sont majoritairement des personnes en activité. Mais le dispositif qui a déjà touché près de 160.000 jeunes peine à être connu ; autre faiblesse, le manque de temps accordé au suivi de la bonne entente entre le mentor et le jeune mentoré. D’où, selon l’étude, un taux de rupture important de ces binômes avant six mois.

Selon la définition de l’INJEP, le mentorat est un dispositif d’accompagnement apparu au cours des années 1980 et 1990 en France, pouvant être défini comme une « structure intermédiaire qui permet aux individus de découvrir comment devenir autonomes par le biais d’une relation temporaire avec un accompagnant ». Multiforme dans sa définition et ses déclinaisons, ce terme de mentorat peut aisément se substituer aux termes de coaching, tutorat ou parrainage, en les recouvrant tous.

Le plan « 1 jeune, 1 mentor », qui a été déployé plus spécifiquement depuis 3 ans, s’adresse à des enfants, adolescents et jeunes âgés de 5 à 30 ans. Afin de lutter contre l’inégalité des chances, il a pour mission de les accompagner dans leur scolarité en travaillant à leur réussite scolaire et à leur entrée dans le monde du travail, au travers d’un suivi durant les périodes de choix d’orientation et d’insertion socioprofessionnelle.

Pour ce qui est de l’impact du mentorat sur ces publics, l’étude de l’INJEP met en avant les travaux menés en Amérique du Nord (où le mentorat est bien plus ancien) qui montrent son influence mesurée et relative à la qualité de sa réalisation (durée, fréquence et intensité des rencontres entre le mentor et le mentoré). A partir de ces données et d’une enquête menée en direction de 65 associations en charge de déployer le plan du gouvernement, l’INJEP a tenté de voir ce qui, dans ce plan, a créé ou non les conditions d’un impact positif sur les élèves et les jeunes mentorés.

Manque de suivi

La réussite du plan tient d‘abord pour grande partie à la bonne adéquation trouvée entre un mentor et le jeune qu’il accompagne, binôme qui n’est pas toujours facile à constituer. Or, il s’avère que ce binôme est trop souvent rompu avant le terme de 6 mois qui est préconisé pour bénéficier au jeune mentoré (24 % des cas contre 51 % des binômes qui vont de 6 à 11 mois). « Ceci est d’autant plus préoccupant que l’on peut craindre que ce soit pour les jeunes les moins favorisés que les taux de rupture soient le plus élevés », commente le rapport. Les structures associatives et leurs chargés de mentorat qui organisent ces binômes sont souvent « happés » par le recrutement des personnes, mentors et mentorés, au détriment d’un suivi qualitatif et dans la durée, en dehors du fait que « ces ruptures anticipées peuvent être liées à un mauvais appariement », indique également l’INJEP.

Autre raison invoquée : le turn-over de nombreux intervenants, lié dans certains cas à la précarité des statuts comme celui des chargés de mentorat. En effet, dans les structures associatives porteuses, ils sont 47 % des jeunes en service civique rattachés à ces missions.

Une formation perfectible

Le rapport pointe par ailleurs des manques, comme l’absence de vérification systématique des antécédents judiciaires des mentors, surtout quand les mentorés sont mineurs. Et de suggérer des cellules de signalement et d’écoute à destination des mentorés en cas d’agissements inappropriés.

La formation des mentors est également perfectible et mérite d’être allongée et rendue obligatoire ; le rapport propose de systématiser et formaliser l’entretien de clôture de la relation mentorale afin d’en dresser un bilan et faciliter ainsi la fidélisation des mentors.

Globalement, les étudiants sont les plus nombreux à bénéficier du mentorat (21%), devant les jeunes demandeurs d’emploi (18%), les collégiens (16%), les lycéens de LGT (14%) et les lycéens de LP (7%). Pour 63 % d’entre eux, ils rencontrent leur mentor au moins une fois pas mois (et pour 16 % du total, une fois par semaine).

A la lecture de cette étude, on peut donc légitimement plaider pour une amélioration qualitative du plan – plutôt qu’à un élargissement exponentiel et débridé, en le recentrant vers des publics plus fragiles ayant des besoins d’accompagnement plus importants (moins d’étudiants et plus de lycéens professionnels par exemple). On peut aussi vouloir que le mentorat s’effectue dans un cadre affermi, avec une meilleure préparation des mentors, un meilleur suivi des binômes par les chargés de mentorat, et la réalisation d’un bilan final pour chaque binôme. Ce qui induit nécessairement une révision des statuts des chargés de mission et un ajustement des moyens humains à hauteur des besoins.

Le mentorat est financé par l’État à hauteur de 32 millions d’euros dans le PLF 2024.

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