En créant des maisons des jeux, nombreuses sont les associations locales, comme à Nantes, qui entendent faire revivre l’esprit de l’Éducation populaire en faisant du jeu une arme fatale à toute forme de ségrégation.
La relation établie entre l’Éducation populaire et le jeu tient déjà dans la définition de celui-ci. La notion de jeu répond à plusieurs critères dont ceux, essentiels, d’être libre et gratuit, totalement fictif, dénué de tout intéressement personnel et répondant à des règles communément acceptées en dehors desquelles le jeu n’est plus. Ainsi, « le jeu est d’abord fondé sur le plaisir », affichent les maisons des jeux sur leurs sites et vitrines, vantant l’exercice exclusif du « jeu pour le jeu » et réfutant toute idée d’apprendre quoi que ce soit.
Finalité plus sociale qu’éducative
Car l’objectif poursuivi par les maisons des jeux, qui ont fleuri ces dernières années dans les grands centres urbains, est bel et bien de favoriser « une activité ludique qui n’est pas éducative, pleinement choisie et libre », témoigne Antoine Haureix, co-responsable de la maison des jeux de Nantes. Pourtant, Alain Bideau, le fondateur de ces maisons, créées il y a plus de vingt ans, a clamé que « plus un jeu cache son côté éducatif, plus il est éducatif ».
Jouer pour le seul plaisir du jeu serait donc formateur, mais de quel apprentissage parle-t-on ?
Certes, ces maisons proposent à leurs adhérents tous types de situations favorisant l’effort cognitif, la créativité, la coordination etc. (jeux de manipulation, de construction, d’adresse, de stratégie). Leur finalité est en fait d’abord sociale et non éducative au sens pédagogique du mot. Elles ont souvent été édifiées à partir d’une ludothèque et ont progressivement élargi leur cercle vertueux à d’autres publics par de nouvelles pratiques ludiques (souvent liées au jeu vidéo).
Relations entre pairs
Si les enfants et leurs familles s’y retrouvent toujours, on y côtoie également des adolescents souvent accros à la console, des adultes venus tisser des liens de voisinage, selon des modalités qui renouent avec les valeurs de l’Éducation populaire d’un collectif de partage. « Nous sommes ici dans une relation de pair à pair. Le jeu est une activité culturelle qui passe par la transmission de savoirs », poursuit M. Haureix.
Et « on transmet ici davantage une passion qu’un savoir ludique ; on ne joue pas pour apprendre » sinon apprendre à connaître l’autre, notamment à travers des jeux de rôle « sur plateau » à l’invitation de compagnies qui viennent mettre en scène le jeu. La maison des jeux est le lieu central des rencontres mais les adhérents peuvent aussi vouloir jouer ensemble « hors les murs », dans des espaces de vie créés en annexe, dans un esprit de convivialité et d’échange intergénérationnel comme ce café associatif « Le Zinc de trèfle » ouvert à Nantes le dimanche, où l’« on cherche la différence qui apporte une expérience de jeu. ».
Un projet de mixité sociale
Pour autant, dopées par le jeu de rôle et le jeu vidéo, les maisons des jeux ont vu resurgir la question d’une mixité des publics à conquérir ou à reconquérir. Car « le jeu demeure une activité pointue, de niche », avoue Antoine Haureix. « Cet univers est très marqué ».
D’où une démarche missionnaire d’ouverture en investissant de nouveaux lieux publics pour faire sa promotion (tels que halls de gare, centres commerciaux, maisons de retraite etc.), l’idée étant de s’affranchir de toute catégorisation sociale, d’âge et de genre.
Démarche d’esprit critique
Autre axe de développement fidèle à l’Éducation populaire, celui d’impliquer les adhérents dans une démarche d’esprit critique sur le jeu visant une approche réfléchie et réflexive. « On demande aux joueurs leur avis sur leur expérience de jeu », souligne encore M. Haureix, évoquant enfin le projet d’impulser des expérimentations, non à l’école, mais dans les cours de récréation. Sans abandonner les actions plus traditionnelles de partenariat avec associations de quartier.
Un projet global qui renoue avec la proposition initiale de l’Éducation populaire d’être un vecteur d’épanouissement de l’individu par le collectif en dehors de l’école.
À Nantes, la maison des jeux compte 1300 adhérents, accueille en outre huit clubs de jeux et fonctionne avec quatre salariés.
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